Les carmélites de Compiègne 1794
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Gemmes
Pendant la Révolution Française, les prêtres, pasteurs et religieux devaient prêter serment à la République.
Les relations entre les croyants et les révolutionnaires étaient donc assez tendues car beaucoup ne voulurent pas s’y soumettre. Il y eu donc des tragédies. L’une d’entre elles : le sort des carmélites de Compiègne.
L’histoire
La veille de leur exécution, le 16 juillet 1794, une des carmélite – Julie Louise de Jésus – composa ce chant :
- « Livrons nos cœurs à l’allégresse,
Le jour de gloire est arrivé
Loin de nous toute faiblesse
Voyant l’étendard arrivé (bis)
Préparons-nous à la victoire
Marchons tous en vrai conquérant
Sous le drapeau d’un Dieu mourant
Courons, volons tous à la gloire
Ranimons notre ardeur
Nos corps sont au Seigneur
Montons, montons à l’échafaud
Et rendons-le vainqueur.
Vous avez le sentiment que cela vous rappelle quelque chose. Oui, il s’agit de rimes inspirées de la Marseillaise car elles sont chantées sur la même mélodie. Cette sœur et ses 15 autres amies l’ont chanté en cœur, non seulement la veille de leur exécution, mais aussi le lendemain en allant vers le lieu de l’exécution.
Quelle fut leur histoire ? Pourquoi ont-elles été exécutées ?
Leur histoire a tellement marqué qu’elle fut commuée en pièce de théâtre, en opéra, en films, en livres et bande dessinée…
Leur histoire
L’ordre des Carmélites fut réformé par sainte Thérèse d’Avila au XVIème siècle pour que les carmélites prient spécifiquement pour la France. Le Carmel de Compiègne est le 53ème fondé en France en 1641 à une rue du château.
Ce Carmel recevait la femme de Louis XIV pendant leurs récréations lorsqu’ils venaient au château. Une petite chambre lui était réservée. Le couple royal avait contribué à faire nommer Sainte Thérèse de Saint Augustin, la future prieure du Carmel.
Ce Carmel avait donc des liens très proches avec la monarchie, chose qui sera reproché pendant le procès plus tard. En effet, ce Carmel bénéficiera jusqu’à la Révolution, de la protection des reines de France, d’Anne d’Autriche jusqu’à Marie-Antoinette.
Avant la Révolution, il y avait 21 femmes dont 2 rémunérées par la communauté pour aller faire les courses (des Tourières). Toutes celles arrêtées étaient issues de milieux modestes.
Par exemple :
- La prieure, Claudine Lidoine, qui avait pris le nom de Marie Thérèse de Saint Augustin, était issue d’une famille modeste. Marie-Antoinette avait payé sa dote. Les textes la décrivent comme une femme exceptionnelle.
- Les deux ainées – plus de 50 ans de consécration : sœur de Jésus Crucifié et sœur Charlotte de la Résurrection.
- Sœur Euphrasie de l’Immaculée Conception– connue pour son fort tempérament.
- Sœur Julie, qui était une veuve, mais aussi musicienne : c’est elle qui composa des couplets sur la musique de la Marseillaise.
- La seule survivante : Marie de l’Incarnation. Ses textes montrent que ces femmes représentaient toutes les catégories sociales et qui, malgré ces différences, étaient très proches les unes des autres. Cette fraternité ne défaillira pas jusqu’à leur mort.
- Mme Juliette Verolot, devenue Sœur Saint François Xavier n’a pas pu signer sa déclaration : elle ne savait pas écrire.
Leur vie n’était dédiée qu’à une seule chose : aimer leur époux, Jésus Christ et de prier pour l’église et la France.
1789 : les canons grondent. La Révolution a éclaté. L’église, jusque-là, étroitement liée à la monarchie, se retrouve menacée. Elle avait joué un rôle aussi bien spirituel que social dans le pays et était proche du pouvoir en place. En effet, le roi gouvernait selon un droit divin et sacré– droit désormais remis en cause par la Révolution.
Or, c’est l’église qui gérait les écoles, les hôpitaux… on la retrouvait dans tous les secteurs de la société.
Mais cela faisait des années que la philosophie des Lumières répandait un discours anticlérical.
L’église était donc un obstacle pour les Révolutionnaires, mais aussi une source financière non négligeable, la Révolution ayant vidé les caisses. Ils vont rapidement annoncer la nationalisation des biens de l’église en déclarant que l’église était l’ennemi de la nation car tout les oppose.
Octobre arrive… l’Assemblée décide de suspendre les vœux religieux. Cela veut dire que les novices ne peuvent plus les prononcer. La littérature des Lumières ne manque pas de s’attaquer à tout ce qui représente le christianisme. Ils propagent l’idée que la majorité des religieuses ont fait leur vœu de force et qu’il faut les libérer.
Une jeune novice appelée Marie-Geneviève Meunier à alors 27 ans et s’est faite appeler sœur Constance. La mère prieure n’impose pas qu’elle fasse son vœu après l’interdiction de l’Assemblée pour ne pas mettre en danger le reste du groupe.
L’étau se resserre. En 1790, l’Assemblée fait interdire les vœux et les ordres religieux doivent être supprimés au nom de la « sécularisation ».
On ferme !
Le 4 et 5 août, des membres du Directoire de Compiègne forcent la clôture du Carmel. Ils reviennent le lendemain pour interroger chaque sœur séparément avec un dragon qui surveille pendant qu’un greffier prend note de tout ce qui est échangé. Ils sont absolument persuadés que ces sœurs sont là contre leur gré. Mais chaque sœur leur donne la même réponse : elles ont fait sciemment ce choix de dédier leur vie – que leur vie ne leur appartient plus : elles l’ont données à Dieu.
Sœur Euphrasie déclarera qu’elle est une « religieuse de plein gré et de sa propre volonté et dans la ferme résolution de conserver son habit, dut-elle acheter ce bonheur au prix de son sang. »
Malgré ces interrogatoires, le Directoire semble les laisser continuer à vivre leur vie monastique.
Mais leur répit fut de courte durée. Le 14 septembre 1792 – jour de la fête de la Sainte Croix-, au matin, un groupe d’hommes de la municipalité de Compiègne, ornés de leur écharpe tricolore, arrive au couvent. L’annonce tombe : ils donnent deux jours aux carmélites pour quitter les lieux et tout laisser derrière elles, notamment leurs habits religieux- et doivent « se disperser ».
En effet, la République a pris de dissoudre les congrégations séculières le 18 août 1792 . La veille, les autorités ont signé le décret expulsant de leurs couvents toutes les religieuses qui y résident encore, les bâtiments devant être vendus pour financer la dépense publique avec le 1er octobre comme date butoir pour appliquer ce décret.
Les sœurs se retrouvent rejetées et expulsées… comme le Christ à une date leur donne se parallèle troublant.
Elles n’ont que quelques heures pour chercher deux choses : des habits civils qu’elles n’avaient plus depuis des années et un logement.
Elles questionnent autour d’elles les bonnes âmes qui seraient prêtes à les héberger. Or, héberger une ex-religieuse mettait aussi en danger ceux qui étaient prêts à le faire.
Finalement, elles se répartissent dans quatre logements. La prieure va garder auprès d’elles les plus anciennes et les plus fragiles. Même dispersées, la Prieure rappelle à « ses sœurs » que rien ne va changer dans leur rythme de vie. Elles se créent sur leur lieu de refuge, un petit oratoire pour vivre leur vie de prières. Elles arrivent à prendre l’eucharistie tous les jours en allant secrètement, par une porte dérobée, à une église St Antoine pour le prendre des mains d’un prêtre réfractaire. Elles assistent ensemble à la messe… Une vie semble avoir repris.
Cent ans plus tôt… un songe
Cent ans plus tôt, une des sœurs de leur couvent – sœur Elisabeth Baptiste- avait eu un songe qui semblait alors prendre tout son sens pour leur époque.
Dans ce songe, cette sœur, voyait toute une communauté de Carmélites, exceptés deux ou trois sœurs, entrer dans la gloire de l’Agneau, tenant des palmes à la main.
Or, dans la Bible, les palmes symbolisent le martyre à la fin des temps :
Apocalypse 7:9,14-15
- Après cela, je regardai, et voici, il y avait une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l’agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains.
Je lui dis: Mon seigneur, tu le sais. Et il me dit: Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l’agneau.
C’est pour cela qu’ils sont devant le trône de Dieu, et le servent jour et nuit dans son temple. Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux;
Les sœurs, en 1790, connaissaient l’histoire de ce songe.
En se le remémorant, elles comprirent que cela pouvait être l’annonce d’un martyre.
Or, c’est exactement ce qui s’est produit : leur communauté à péri sauf trois sœurs.
Il faut totalement se consacrer
Au lieu d’être effrayée par ce songe, la Prieure compris ce qui les attendait. Elle encouragea le groupe à totalement consacrer leur vie et personne à Dieu. Elles prirent, en quelque sorte, la décision de s’offrir en holocauste pour que la paix revienne en France.
Voici ce qu’elles ont exactement prononcé :
« Pour que cette divine paix que Son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l’église et à l’état. »
« La colère de Dieu », selon leur croyance à l’époque, tombait sur une nation qui l’ignorait.
Les deux doyennes du groupe prennent peur en réalisant ce qu’impliquerait leur martyre : être guillotinée.
Elles commencent à exprimer leurs craintes et la peur de cette mise à mort.
La Prieure leur rappelle qu’elles ont chacune la liberté de rester ou non en sachant ce qui risque de leur arriver.
Elles passent des heures à prier. Les craintes, les réticences ont fini par disparaître jusqu’à laisser place à une consécration pleine et entière…
Elles prononcent leur acte de consécration et la répéteront tous les jours pendant deux ans.
Ce vœu n’était pas un acte suicidaire, mais la décision de se remettre totalement entre les mains de Dieu pour prier cette paix pour la nation mais c’était aussi pour se préparer en cas de martyr.
En effet, les arrestations et massacres de prêtres et autres religieux se font partout dans le pays. Elles savent qu’elles doivent se préparer à toute éventualité.
Une autre étape est franchie : 1793 – la reine Marie-Antoinette a été décapitée !
Certaines factions de la Révolution affichent publiquement leur position anti-chrétienne.
Les autorités organisent de grandes manifestations populaires pour lancer des campagnes de déchristianisation : certains se déguisent en évêques pour faire une procession à dos d’âne dans les rues de Paris pour se moquer ; Notre-Dame est transformée en Temple de la Raison ; ceux en position d’autorité doivent prêter allégeance à la déesse de la Raison. Une grande fête de la raison est même organisée pour célébrer la victoire définitive de la raison philosophique sur la superstition.
Les arrestations des prêtres réfractaires – refusant de faire allégeance à la Révolution – se multiplient. La messe est interdite : fini les cérémonies de baptêmes, de mariage et d’enterrement.
Dans ce climat de terreur, ceux qui échappent aux arrestations entrent dans la clandestinité.
Robespierre, déiste, finit par s’opposer à cet athéisme farouche. Il pense trouver la solution en instaurant une religion d’état pour remplacer le christianisme : le culte de l’Etre Suprême proclamé en 1794. C’est loin de plaire à tout le monde. Il pense que ce culte ralliera tout le monde, mais cela ne sera pas le cas.
Le 21 juin 1794, à Compiègne, les choses se précipitent. Les sœurs étaient en train de laver leurs vêtements civils. Comme elles n’avaient pas d’autres vêtements, elles avaient remis leurs vêtements religieux… Et c’est dans cette tenue qu’elles sont arrêtées et emmenées à l’ancien couvent de la Visitation transformé en couvent, sous les huées de la foule, pour y rester trois semaines. Les soldats en profitent pour fouiller leurs refuges et découvrent leurs oratoires qu’ils s’empressent de détruire.
A la visitation, les sœurs se retrouvent enfermées avec 17 autres sœurs bénédictines anglaises.
Le 12 juillet, Paris exige qu’elles soient transférées pour être jugées. Elles arrivent au cours d’un voyage difficile en charrette le lendemain, à la Conciergerie. On leur a demandé de descendre de la charrette tout en ayant les mains liées. Or, une des doyennes – Charlotte de la Résurrection- ne pouvait pas marcher sans canne, encore moins descendre la charrette les mains liées. Un soldat la pousse violemment hors de la charrette. Elle tombe face la première dans un bruit sourd contre le pavé. Tout le monde la croit morte. Mais, péniblement, elle relève son visage ensanglanté et s’adresse dans une voix douce à ses tortionnaires :
- « Je vous ai bien de la reconnaissance de ce que vous ne m’avez pas tuée car si je fusse morte par vos mains, j’aurai été ravie à la gloire du martyre. »
A la Conciergerie transformée en énorme prison, les sœurs sont réparties dans deux cellules. C’est l’antichambre de la mort : tout le monde le sait. Or, le 16, c’est la fête de Notre-Dame du Mont Carmel : elles vont chanter tout l’office pour cette célébration qui est la plus importante de leur ordre. Elles se réconfortent mais aussi les autres prisonniers autour d’elles. Certains témoigneront plus tard qu’elles ont fait une célébration comme si elles allaient à la noce : elles étaient rayonnantes de joie.
Sœur Julie-Louise, grâce à un charbon et un malheureux bout de papier obtenus par un autre prisonnier réussi à écrire cinq couplets pour écrire des paroles sur l’air de la Marseillaise qui commençait à se faire connaître.
Voici ce que le troisième couplet dit :
« Grand Dieu qui voyez ma faiblesse,
Je désire et je crains toujours.
Confidemment, l’ardeur me presse,
Mais donnez-moi votre secours (bis).
Je ne puis vous cacher ma crainte,
Pensant au prix de la mort.
Mais vous serez mon réconfort.
Je le dis : non, plus de contrainte !
Hâtez donc le moment
J’attends mon changement.
Seigneur, Seigneur, sans différer,
Rendez mon cœur content. »
Auriez-vous écrit ce genre de chants avant votre exécution ? Cela montre bien leur état d’esprit.
Le soir-même, elles apprennent que leur procès aura lieu le lendemain.
Elles se réjouissent que cela arrive dans la fête du Carmel et prennent cela comme un signe que les noces de l’agneau arrivent et que l’époux est tout proche.
Sous la période de la Terreur, les actes d’accusation n’ont aucune importance. Les accusés n’ont même plus l’assistance d’un avocat. Leur condamnation est déjà acquise d’avance. C’est une justice qui cherche à condamner sans chercher à discriminer les accusés ni savoir si ce sont des innocents ou semi-coupables. Ce ne sont que des accusés.
Le 17 juillet, les sœurs sont amenées au matin à l’étage devant l’accusateur publique : Fouquier-Tinville..
Leurs charges : ont aurait trouvé des armes dans le Carmel ( ?????).
La Prieure réagit aussitôt et rétorque en empoignant son crucifix : « nous n’avons jamais eu d’autres armes que celle-là ! ». Devant les actes d’accusation contre le Carmel, la Prieure essaye de tout endosser pour sauver ses sœurs : « si vous voulez une victime, c’est moi seule ! Celles-là sont innocentes !».
Tous les prétextes sont bons pour les condamner à mort, mais l’argument majeur utilisé contre elles est qu’elles ont continué à vivre et à prier ensemble.
Le verdict tombe : les sœurs sont accusées de maintenir leur vie communautaire, de vivre, d’entretenir une correspondance contre-révolutionnaire, de posséder des images de Louis XVI, des images et des cantiques du Sacré Cœur qu’ils ont confondu avec l’emblème de la Vendée. Le principal chef d’accusation retenu contre elles est celui d’être des fanatiques et d’avoir provoqué de la sédition.
La plus jeune sœur du groupe, sœur Marie-Henriette de la Providence et demande à Fouquier-Tinville.: « Citoyen, pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par « fanatisme » ? »
« vos croyances puériles et vos sottes pratiques de la religion ! » fulmine-t’il. La jeune sœur se tourne vers la mère Prieure et se réjouit : « c’est la parole que l’on attendait. Merci mon Dieu, nous allons pouvoir mourir en martyre ! Toutes, nous désirions cet aveu : nous l’avons obtenu. Quel bonheur de mourir pour son dieu »
Sœur Thérèse réalise que toutes n’ont pas mangé depuis la veille et que la journée qu’elles ont devant elles va être éprouvante. Si elles se mettent à défaillir, elle ne voudrait pas que l’on prenne cela pour de la peur. Elle troque donc un vêtement qu’elle avait sur elle contre une tasse de chocolat. Elles se partagent cette tasse en guise de réconfort et pour affronter ce qui les attend en ayant tous leurs moyens. Puis, elles se mettent à prier.
L’heure avance… Deux charrettes arrivent pour les prendre. Elles ont une heure et demie de trajet sur cette charrette pour aller jusqu’à ce qui est aujourd’hui la Place de la Nation. Les exécutions se faisaient au début Place de la Concorde, mais le terrain en terre battue n’arrivait plus à absorber tout le sang. Le nombre d’exécutions ne faisant qu’augmenter, il fut décidé d’agir plus discrètement et de mettre la guillotine davantage à l’extérieur de Paris (pour l’époque), à la Place de la Nation.
Et qu’ont-elles fait ? Elles se sont toutes mises à chanter les couplets composés la veille par Sœur Julie-Louise, des psaumes et autres chants religieux. Au lieu des huées habituelles de la foule, cette dernière est prise de stupeur. Il règne un silence d’étonnement tout au long de leur trajet. A l’approche de leur destination, la jeune sœur Constance s’excuse auprès de la Mère prieure d’avoir été distraite pendant le parcours et de ne pas voir terminé son office. La mère sourit et lui dit : « ce n’est pas grave, ma fille : vous terminerez les matines au ciel. »
Les sœurs descendent une à une de la charrette. La Prieure a obtenu l’autorisation de passer en dernier pour accompagner chaque sœur jusqu’au bout. Mais avant, elle invite ses sœurs, une dernière fois, à proclamer leurs vœux de consécration au milieu d’une foule qui se tenait là, dans un silence assourdissant. La jeune novice et les deux Tourières (payées par la municipalité pour faire les courses) vont donc les prononcer pour la première fois en dépit de l’interdiction du Directoire ! Elles vont donc toutes mourir en Carmélites. Pendant que les sœurs, tour à tour, demande la permission de mourir à la mère prieure, celles qui restent chantent le Laudate Dominum – tiré du Psaumes 117 (ou 116 suivant la version) « La louange de l’Éternel par tous les peuples ». Il s’agit d’un cantique qui est chanté au Carmel depuis le XVIème siècle pour consacrer l’entrée dans la maison de Dieu au moment d’une nouvelle fondation.
On ignore dans quel ordre elles furent exécutées. On sait seulement que la première fut la plus jeune : sœur Constance, et la dernière, la mère prieure. La sœur infirme qui avait chuté le premier jour après avoir été poussée violemment de la charrette, se fait aider par ses bourreaux pour monter à l’échafaud. « Mes amis, je vous pardonne de tout le cœur dont je voudrais que Dieu me pardonne. »
Leur cohésion frappa la foule qui en fut bouleversée au point de rester anormalement silencieuse.
C’est comme si elles n’étaient pas montées à l’échafaud, mais aux portes du ciel…
La mère prieure est la dernière à passer. Elle lâche un petit objet qu’elle tenait dans ses mains : une petite statue religieuse. La foule se précipite pour la prendre. C’est le seul objet que l’on aura de ce groupe de Carmélites martyres.
Aujourd’hui, on peut retrouver cette petite statuette entreposée au Carmel de Jonquières.
Le corps des sœurs furent jeté dans les fosses communes du cimetière de Picpus avec des centaines d’autres corps.
Epilogue
L’accusateur publique, Fouquier-Tinville, qui les a condamnés à mort, eut à son « actif » plus de 2’000 condamnations à mort dont Marie-Antoinette, Danton et Robespierre, avant de finir lui-même guillotiné.
Seulement dix jours après l’exécution des Carmélites de Compiègne, le 27 juillet 1794, un coup d’état parlementaire mis fin à cette période de Terreur. Une réponse à leurs prières ?
Sœur Marie de l’Incarnation fut la seule rescapée de l’exécution des carmélites de Compiègne. Elle était la fille naturelle d’un prince de sang – Louis-François de Bourbon-Conti-, et de Madeleine Jolivet, qui était mariée à Pierre Martin Philippe. Avant le drame, fin juin 1794, elle se rendit avec Mère Thérèse à Paris pour prendre des dispositions pour s’occuper de sa mère âgée. Mais elle refusa de revenir à Compiègne avec Mère Thérèse qui n’insista pas : chacun doit rester libre de son choix. C’est ainsi que sœur Marie de l’Incarnation échappera à l’arrestation, emprisonnement et exécution, mais elle se le reprochera jusqu’à la fin de sa vie.
Pourtant, elle jouera un rôle majeur dans la préservation de cette histoire. C’est elle qui va rassembler les documents et archives de la communauté et recueillir le témoignage des sœurs bénédictines anglaises – les derniers témoins qui avaient été en prison en même temps que les carmélites. Elle vivra au Carmel de Sens en 1823 jusqu’à sa mort le 10 janvier 1836. Elle fut la première à écrire l’histoire du martyre de ses compagnes.
L’Église lui demandera maintes fois de raconter cette histoire.
Reconnaissance du martyre
Des objets ayant appartenu à ces sœurs sont désormais exposés au Musée du Carmel de Jonquières.
L’édifice du Carmel de Compiègne fut détruit à la Révolution. Une nouvelle communauté de Carmélites viendra s’établir, fin XIXème siècle dans un autre bâtiment. Elles déménagèrent en 1992, à quelques kilomètres de Compiègne, à Jonquières.
Les sœurs carmélites ont été béatifiées en 1906.
En 2022, le pape François a relancé leur dossier pour qu’elles soient canonisées « équipollente» qui est une canonisation sans avoir fait de miracles.
Le 18 décembre 2024, le pape François approuva la canonisation équipollente de la bienheureuse Thérèse de Saint-Augustin, mère supérieure des carmélites de Compiègne et de ses 15 compagnes.
Selon la Bible
Ces sœurs nous ont montré la bonne attitude à avoir face à une persécution.
- Ne préméditez pas votre défense si l’on vous arrête pour votre foi :
Luc 21 versets 12-15.
- Mais, avant tout cela, on mettra la main sur vous, et l’on vous persécutera; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous mènera devant des rois et devant des gouverneurs, à cause de mon nom.
Cela vous arrivera pour que vous serviez de témoignage.
Mettez-vous donc dans l’esprit de ne pas préméditer votre défense; car je vous donnerai une bouche et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister ou contredire.
- Se réjouir, même au milieu des tribulations.
Matthieu 5 versets 11-12.
- Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi.
Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
Paul a écrit d’une prison :
Philippiens 4 verset 4.
- Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le répète, réjouissez-vous.
- On ne répond pas à la violence par la violence. On peut se défendre, mais sans violence.
Romains 12 verset 19.
- Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: A moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur.
Psaumes 37 versets 8-9.
- Laisse la colère, abandonne la fureur; Ne t’irrite pas, ce serait mal faire. Car les méchants seront retranchés, Et ceux qui espèrent en l’Éternel posséderont le pays.
Luc 6 verset 28.
- bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent.
Matthieu 5 verset 44.
- Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent,
Que faut-il retenir ?
Sous la République, le simple fait de croire en Dieu, de détenir des images religieuses et vivre en conformité à un appel, un choix de vie – était un acte fanatique méritant la peine de mort. Ce fanatisme était perçu comme un danger pour la République. Prier pour le bien du pays – un danger ?
Ou s’agirait-il d’une guerre spirituelle comme le décrit la Bible ?
Ces femmes qui se consacrèrent corps et âmes à Dieu finirent leurs derniers instants dans une joie surnaturelle en sachant que leur Epoux n’était pas loin.
Tout croyant devrait avoir la même attitude, car elles ont transformé ce moment d’horreur en liturgie – en d’autres mots, en un moment de louanges et d’adoration envers Dieu ! La mort a été transformée en vie et elles ont prononcé des paroles d’amour et de pardon au lieu de haine jusqu’au bout.
Que nous mourions « naturellement » ou pas, Dieu nous accorde Sa grâce à tous instants car nous ne pouvons rien faire sans Lui.
Le message que nous laisse ces sœurs, c’est qu’il faut espérer contre toute espérance ; croire que l’amour de Christ est plus fort que tout ce qui peut nous arriver et même la mort !
Et l’autre leçon qu’elles nous donnent : celui de leur consécration – dédier sa vie pour qu’il y ait la paix de Dieu – Son message- dans la nation.
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Sources externes
Leur histoire dans les médias
1er livre
Le livre de Gertrud von Le Fort sur les Carmélites de Compiègne s’intitule La dernière à l’échafaud (1931) sous forme d’une lettre d’un émigré français datée d’octobre 1794. Cette nouvelle s’inspire du récit manuscrit de sœur Marie de l’Incarnation, la seule religieuse du couvent de Compiègne à avoir survécu au massacre du 17 juillet 1794.
Gertrud est protestante et allemande, mais elle se convertit au catholicisme et fut touchée par l’histoire de ces Carmélites. Elle créa le personnage de Blanche – le seul personnage fictif de l’histoire en reprenant des faits historiques mais en romançant quelque peu l’histoire.
2ème livre pour adaptation
En 1947, c’est en Tunisie que Georges Bernanos écrit leur histoire à la demande d’un Révérend avec l’objectif d’en faire un film. Il s’est, en effet, exilé de la France qui est toujours sous un climat issu de l’occupation allemande. Mais il a aussi perçu l’émergence d’une société de consommation qui allait s’éloigner de plus en plus de la spiritualité – de la vie « intérieure ». De plus, ce texte fut rédigé pendant ses deux dernières années qui avait dû sentir la mort approcher… Quoique de plus étonnant, alors, de ressentir un sentiment de révolte et de recherche à quelque chose de plus profond ? N’effaçons-nous pas ce qui nous semble éphémère et futile à l’approche de la mort ?
La première version du script fut refusée par le réalisateur, jugeant le texte pas assez adapté à un film. Le texte évolua et son auteur, Georges Bernanos, mourut sans connaître l’issu de cette rédaction. Son livre parut à titre postume en 1952 sous le titre « Dialogues des Carmélites » édition « Cahiers du Rhône ». Ce dialogue fut d’abord utilisé par le théâtre et cette pièce devint un grand classique.
Un opéra
Le texte sera une nouvelle fois revu pour être adapté à un opéra : celui de Francis Poulenc. Cette pièce fit le tour du monde. L’opéra est en trois actes et se base sur le livre de Georges Bernanos et de celui de Gertrud von Le Fort.
Les films
Un film franco-italien réalisé par Philippe Agostini et Raymond Leopold Bruckberger, sortira bien après en 1960. Il est joué sur une adaptation assez libre.
Le film intitulé Le Dialogue des Carmélites, réalisé par Pierre Cardinal en 1983, est une adaptation de l’œuvre de Georges Bernanos, est bien plus fidèle au récit historique.
Un documentaire
Yves Bernanos, réalisateur et petit-fils de Georges Bernanos, fait un documentaire « Les Bienheureuses », réalisé par François Lespes en 2023.
Une bande dessinée
Une bande dessinée raconte leur histoire : « les carmélites de Compiègne, martyres de la révolution » (éditions Plein Vent).
Vidéos à rechercher (*):
En Français
- YouTube – Joseph Prince en français – ‘Vivre sans stress
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